Il y quelque mois j’ai eu l’énorme plaisir de rencontrer Elsa. Elle m’a parlé de son accouchement - toujours avec un sourire éclatant. Jusqu’à ce moment je n’avais jamais rencontré une française qui parlait de son accouchement de cette manière!
Je me suis dit : c’est ça que je cherchais ! Depuis que je me suis installée à Paris, j’ai entendu pleins de femmes se plaignant de l’accouchement, des choses plutôt négatives, par rapport à la naissance. Mais je savais qu’il devait y avoir d’autres histoires, même si on ne les entend pas souvent, je savais qu’il devait en exister en France, comme partout dans le monde…
Petit à petit- grâce aux réseaux des amis français et aussi grâce aux rencontres Positive Birth movement Paris - j’ai eu le plaisir de rencontrer encore d’autres femmes qui m’ont parlé de leurs accouchements bien vécus, comme celui d’ Elsa.
Il existe, sans doute, des progrès à faire en France pour que l’accouchement soit plus respectueux de la physiologie et du droit/choix des femmes – comme ailleurs dans le monde.
Mais pour l’instant, j’espère que ces récits d’accouchements magnifiques – comme celui d’ Elsa - pourront aider à une vision de la naissance plus ‘positif’, en même temps qu’inspirer et soutenir les futures mamans qui souhaitent vivre un accouchement « alternatif »
C’est donc – avec grand plaisir que je partage ces merveilleux récits de naissance sur mon site. J’espère pouvoir publier d’autres histoires comme la sienne : des histoires de femmes soutenues, respectées, et de femmes qui ont une vision d’un accouchement joyeux, vécu en pleine conscience !
En les attendant….
Ce que je trouve magique avec la naissance c'est que l'on ne sait pas quand son bébé va choisir de naître...
A compter du 9e mois, je savais que tu pouvais arriver d'un moment à l'autre... Quelle délicieuse sensation de vivre ces derniers instants où tu étais en moi.
Je n'étais pas pressée, tu étais déjà la, avec moi, je te berçais du bout de mes doigts, avec la paume de ma main dans laquelle tu venais te lover, je te chantais des chansons, je te parlais... On allait au yoga tous les deux, on nageait dans la piscine et on papotait au rythme de mes respirations...
J'attendais sereinement ton signal, celui de ta naissance, celui de mon accouchement.
Ce dernier mois, je n'avais plus peur d'accoucher. Le terme approchait et j'étais de plus en plus prête, j'avais hâte de vivre ce moment, cette expérience unique dans la vie d'une femme.
Dès le début de ma grossesse, j'ai senti en moi l'envie très forte d'accoucher naturellement, l'envie de vivre pleinement ce passage, ton passage vers la vie. L'envie d'accoucher en pleine conscience, d'être libre de mes positions, de ne pas être dépossédée de mon corps et surtout de t'accompagner le long du chemin.
Je me suis préparée à cela. J'avais conscience qu'accoucher sans péridurale, de nos jours, n'était pas la norme et surtout était mal compris, mal accepté. Quand j'en parlais autour de moi, on me demandait si j'aimais souffrir. Non je n'aime pas souffrir. Mais qui a parlé de souffrance?
Grâce notamment à de très belles lectures (« vivre sa grossesse et son accouchement- une naissance heureuse » d'Isabelle brabant, « Accouchement - naissance un chemin initiatique » de Martine Texier), je me suis préparée à accepter la douleur des contractions, à la vivre, à l'accueillir, à la visualiser comme une succession de vagues qui me rapprochent de toi.
La pratique du yoga prénatal, la conscience de mon corps et l'explication physiologique des étapes de l'accouchement ont démystifié cette douleur dont en parle tant, depuis que le monde est monde.
Enfanter dans la joie, quelle belle perspective.
Heureusement, ton père me soutenait et souhaitait nous accompagner dans ta naissance. On a fait de l'haptonomie, où on a appris comment il allait pouvoir m'aider et me soulager pendant l'accouchement.
Le jour J ou "les jours J":
Mercredi. Les contractions ont débuté. Très légères. Comme une petite douleur prémenstruelle qui allait et venait.
Ca y est c'est ton signal. La joie m'envahit. Je vérifie que la valise pour la maternité est prête. Avec ton papa on se dit que c'est pour bientôt.
Jeudi. Je ressens toujours ces petites contractions régulières... Mon corps s'habitue. On m'a dit que pour toi, chaque contraction était un petit câlin. Cette idée me plait. Les contractions vont et viennent dans la journée. Je vais au yoga, je sais que c'est la dernière fois avant ta naissance... En arrivant à la maison, elles sont un peu plus fortes mais toujours largement supportables, comme un premier jour de règles, elles sont surtout plus régulières. Je perds le bouchon muqueux. Je me dis que c'est vraiment pour bientôt...
Subitement, je réalise que je ne t'ai pas acheté la peluche pingouin que j'avais repérée! Je vais te l'acheter. À l'allure à laquelle je marche, ça me prend bien 1 heure. J'achète aussi du chocolat noir, que j'aime tant et dont j'aurais bien besoin pour me donner de l'énergie.
La nuit les contractions s'arrêtent.
Vendredi. Au réveil je crains que la poche des eaux ne se soit fissurée... On va donc à la maternité. Tout va bien, je suis déjà dilatée à 1,5. Super ! Je me dis que ca y est c'est parti...
Je rentre à la maison, on passe une très belle journée, toi et moi, au rythme des contractions, un peu plus fortes que la veille, toutes les 10 minutes environ.
Le soir, elles sont plus douloureuses. Je ne peux plus parler pendant la contraction. Je respire calmement. C’est vendredi soir, on dîne en famille. Je n'ai jamais été aussi sereine. On est dans notre bulle. Je prends un bon bain, je me prépare, je me dis que c'est pour cette nuit.
Les heures passent, les contractions s'intensifient. Je commence à respirer dans la contraction... Elle arrive, je la sens monter, j'expire lentement jusqu'à ce qu'elle redescende et qu'elle disparaisse. Elles sont fortes.
Minuit. Départ pour la maternité.
1,5 de dilatation. Quoi??! Une journée de contraction et mon col na pas bougé!? On rentre à la maison, un peu déçus quand même... On s'attendait à te rencontrer...
Samedi 6h du matin. Les contractions me réveillent. Je vais prendre un bain chaud, elles se calment un peu... Je ne comprends pas bien, pourquoi depuis plus de 48h, elles viennent et repartent? Déjà 3 nuits à croire que c'est imminent... Surtout la veille au soir, c'était vraiment douloureux, et la plus rien.
14h. Ça reprend, toutes les 7 minutes environ. Plus fortes. On se promène au parc, je m'arrête pour respirer dans la contraction, je m’appuie contre ton père.
19h. Apres une petite accalmie, les contractions reprennent de plus belle. Je les ressens dans les reins. Je les accueille dans la joie, je sens qu'elles sont plus fortes et qu'elles me rapprochent de toi. On met la musique, on danse, on se sourit. Ton père me soulage avec des massages en bas du dos et l'application d'une bouillotte. Pour faire avancer les choses on va marcher, longuement, chercher un japonais à manger, mon plaisir ultime, on remonte les 8 étages à pied... Quoique on fasse, je m'arrête toutes les 6 minutes, penchée en avant, visualisant la vague sur laquelle je glisse comme sur un surf.
Minuit. Départ pour la maternité.
Cette fois ci je ne repartirai pas sans toi.
2 cm. J'ai du mal à y croire... Je pensais pourtant, au vu de la douleur et du rythme des contractions, que le travail était bien avancé... La sage femme, Siem, m'explique que c'est du "pré-travail", et que le travail n’a pas encore commencé...
Je suis encore sereine. Heureuse d'être à la maternité. Apres un bain, les contractions se sont de nouveau arrêtées.
Siem me conseille de me reposer, de dormir un peu, car il me faut des forces.
5h du matin. Réveillée par les contractions, plus fortes que les précédentes... Mais le col n’a pas bougé.
Désespoir. Je suis envahie par la peur que le travail ne commence pas...
Le médecin est venu et m'a expliquée que mon bébé ne supportait pas toujours les contractions, qui duraient depuis 3 jours déjà... Qu’ il valait mieux poser une péridurale dans l'hypothèse où il faudrait intervenir rapidement....
Je suis tellement triste! Le scénario que je redoutais tant... J'imaginais déjà une césarienne en urgence en l'absence d'évolution du travail...
Je pleure, je trouve ça injuste.
Comment refuser la pose d'une péridurale à un médecin qui me dit que mon bébé est en souffrance?
J'accepte, je sens que je n'ai pas vraiment le choix. Premier lâcher prise sur "mon projet". Je comprends que je ne contrôle pas la situation, que je ne peux pas la contrôler.
"Pourquoi Siem? Pourquoi? Pourquoi ces contractions si douloureuses ne sont pas efficaces?".
Siem m'a regardée dans les yeux, m’a pris la main, et ma dit d'une voix si douce: "tu sais Elsa, peut être que tu ne veux pas le lâcher ton bébé...".
J'ai regardé ton père, et j'ai pleuré à chaudes larmes "je crois que je ne veux peux le lâcher...". Quelques minutes après, je t'ai parlé en te caressant affectueusement "mon bébé, mon amour, on a passé 9 merveilleux mois tous les deux, maintenant tu vas naître... Et je pourrai enfin te prendre dans mes bras... Je suis prête mon cœur..."
Et la j'ai senti. J'ai senti que chaque contraction, pourtant de la même intensité qu'avant, ouvrait mon col petit à petit... Je lâchais prise, pour de vrai, pour la première fois de ma vie... Mon mental ne me guidait plus, il était en sommeil... Seul mon corps savait. La douleur me guidait. Je n'étais plus là dans la salle d'accouchement. J'étais ailleurs, je dansais au rythme des contractions, j'expirais à l'intérieur de la douleur. Et je souriais entre deux contractions, je reprenais des forces pendant ce répit.
Je ne me suis pas trompée. 30 minutes plus tard, je suis déjà à 4.
Quand l'anesthésiste arrive, je plane totalement, remplie d'endorphine et d’ocytocine. Elle me pose le cathéter dans le dos, je lui demande de ne pas m'injecter de produit.
5 cm. La sage femme perce la poche des eaux pour accélérer le travail. La douleur s'intensifie, je fais des "hommmm" tres grave que j'ai appris au yoga. Avec ton père qui m'accompagne, dans chaque expiration. Il alterne les poches de glace dans le bas de mon dos avec la bouillotte. Je ne parle plus.
6 cm. Je suis au dessus de mon corps. Je me regarde d'en haut. Je plane. Une sorte d'état de transe.
7 cm. Je ne comprends pas. La douleur est ininterrompue. Je n'ai plus de répit entre chaque contraction. Tout est dans mes reins. Je perds pied. Mes sons deviennent de plus en plus aigus. Je ne vis plus chaque contraction comme une première. Elles s'enchaînent, elles m'emportent. Me coulent.
Nina, la sage femme, me dit que mon bébé est "en postérieur", et comme il est très bas, son dos appui en permanence sur le mien. Elle me propose une dose de péridurale.
Soulagement. "d'accord...mais juste un peu promis? "
La péridurale est parfaitement dosée. Mes contractions sont fortes encore mais je ne ressens plus la douleur entre les deux. J’arrive à me reposer, je ferme les yeux quelques secondes. Je suis apaisée.
10 cm. Dilatation complète! La joie m'envahit. Je m'installe sur le ballon, je décris l'infini avec mon bassin pour t'aider à descendre. Ton père à mis de la musique, un chanteur que l'on adore. Il m'accompagne en me massant le bas du dos et en m'appliquant de la glace à chaque contraction.
Je ressens le besoin de me mettre debout. Les contractions me donnent envie de pousser. Ton père est de l'autre côté du lit, debout en face de moi. À chaque contraction, je fléchis mes genoux, je tire sur les mains de ton père et je crie. L'envie de pousser n'est pas irrépressible comme on me l'avait décrit... Nina m'explique que la position en postérieur peut expliquer cette sensation. Les minutes passent... Il fait très chaud, nos mains sont moites. Je n'y arrive plus. Je n'arrive plus à pousser.
"Aidez moi, sortez le, je n'y arrive pas".
"Elsa tu peux le faire, tu le fais. Tu vas y arriver. Ton bébé n'est pas loin. Tu es formidable".
Avec le soutien inconditionnel de ton père et de la sage femme à chaque poussée, je reprenais la force de pousser à chaque contraction bien ancrée sur mes pieds.
"Allez encore un peu! Je sens ses cheveux, il en a plein" oh! Tu as plein de cheveux, tu n'es pas loin... Je peux te toucher avec mes doigts. Les larmes me montent, je te sens, tu es la. Tu es la entre mes jambes et je n'arrive pas à te sortir complètement de moi.
"Nina, pourquoi c'est si long?"
"Sûrement que ton bébé veut profiter encore de chaque millimètre en toi, il avance doucement mais sûrement".
Oui c'était ça. On avait encore besoin d'un peu de temps avant de se séparer. Et toi. Et moi.
La dernière contraction. L'ultime. Dimanche. 14h42. Après 55 minutes de poussée intense. Je pense à toi tellement fort. Je sais que tu m'entends. Notre connexion n'a jamais été si puissante qu'à cet instant précis.
Dans ma tête je crie ton nom..."IDAN...."
Ton père fait le tour du lit. Je croise son regard. Tu arrives. "Il est la" s'exclame t-il avec une Emotion dans la voix que je ne pourrai décrire et que je n'oublierai jamais. Je baisse la tête, Nina te tient avec ton père.
Tu n'as pas crié. Tu as pris une très grande inspiration. Ton premier souffle.
Je me suis allongée en te tenant dans mes bras. Peau contre peau. Je t'ai respiré, t'ai embrassé. Mon bébé. Mon amour. Ma vie.
Et la, on s'est regardé. Pour la première fois, on s'est rencontré. Tu as plongé tes yeux dans les miens pendant de longues minutes... Le temps s'est arrêté. Tout l'Amour du monde était dans ce regard.
Ta naissance. Ma renaissance.
Quand je repense à mon accouchement, je me dis que c'étaitun peu comme la vie! J'ai traversé tant d'étapes! Tant d'émotions m'ont parcourue: la joie, la peur, le doute, le désespoir, même la colère. J'ai réussi à lâcher prise, à perdre le contrôle, ce qui est une véritable initiation pour moi.
J'ai pu mettre au monde mon bébé, sentir son passage dans chaque pore de ma peau. J'ai laissé mon corps s'ouvrir et s'étirer sans déchirure, sans violence. J'ai laissé mon cœur s'ouvrir à l'infini.
En position allongée, je n'aurai probablement pas réussi à pousser mon bébé qui était en postérieur (la tête tournée vers les étoiles et non vers le sol), il y aurait certainement eu des forceps, une épisiotomie ou autre intervention.
J'ai fait confiance à mon bébé, à mon corps, à mon instinct mais surtout à la Vie.
Souvent on me demande si c'était long.
Je ne sais pas répondre à cette question.
Le temps de la naissance, c est comme hors du temps. L'instant présent comme seule unité.
Il n'y plus d'horloge, seulement des contractions qui donnent le rythme et dans lesquelles on s'abandonne. Pour de vrai.
Ça a surement pris le temps dont j'avais besoin pour devenir mère. Le temps dont mon bébé avait besoin pour naître.
Idan, ta naissance, elle était belle.
Et finalement ce n'était pas tant la question de la péridurale.
Ta naissance était belle car on l'a fait ensemble. Tous les 3. Car on l'a vécu en pleine conscience, dans l'instant présent.
Dans l'Amour.
Dans la Vie.